Pourquoi le manga est-il devenu un produit culturel global?

Plus d’un paradoxe entoure le succès croissant du manga depuis les années 1970, et plus généralement celui des imaginaires auxquels il a donné naissance et qui se sont matérialisés aussi sous forme d’anime1, de séries télévisées et de jeux vidéo. Dans certains pays occidentaux, au premier rang desquels la France, les États-Unis et l’Italie, le manga est devenu au tournant du XXI. siècle un élément important de la globalisation culturelle qui accompagne la mondialisation économique.

Paradoxes

Le premier de ces paradoxes est que le Japon, à l’inverse des pays occidentaux qui postulent l’universalité de leur culture et de leurs valeurs et ont toujours cherché à les répandre (fût-ce à titre d’alibi pour leurs ambitions impérialistes), considère traditionnellement que sa culture ne saurait être partagée par le reste du monde. Cas peutêtre unique au monde, la religion shintô, par exemple, est strictement “nationale”, et l’idée même d’un étranger qui serait “shintoiste” est absurde pour un Japonais.

Le second paradoxe est que le manga, sous la forme qu’il a prise après 1945, est imprégné de l’expérience historique unique du Japon. Il exprime les traumatismes d’une nation ouverte de force par les canons des “bateaux noirs” du commodore américain Matthew Perry en 1853, contrainte de se moderniser à marche forcée et qui s’engage pour faire face aux impérialistes dans une course à la puissance qui aboutit à l’holocauste d’Hiroshima. Les enfants de cette nation qui deviendront les mangaka de la première génération – baptisons-la “génération Tezuka2” – ont vu leurs villes rasées, leurs pères vaincus, leur empereur déchu de sa divinité et leurs livres d’école jetés par les vainqueurs dans les poubelles de l’Histoire avec le système des valeurs qu’ils véhiculaient. Après sa défaite, cette nation s’est reconstruite au prix d’un effort sacrificiel, pour devenir en à peine plus de vingt ans la seconde puissance économique du monde libre. Elle n’y a cependant gagné ni la reconnaissance (les années 1980 ont été celles du Japan bashing) ni les certitudes auxquelles elle aspirait, avant que sa fierté retrouvée soit brutalement mise à mal par la longue crise des années 1990. Ce parcours unique, convulsif et dramatique, sur lequel pèse en permanence l’ombre de la discrimination raciale, est radicalement différent de ceux des vieilles puissances européennes et de la jeune mais triomphante Amérique. Que l’imaginaire collectif qu’il a nourri ait engendré une culture populaire capable aujourd’hui “d’atteindre à l’universalité” ne laisse donc pas d’étonner.

Pourtant, en ce début du XXI. siècle, le Japon est devenu le deuxième exportateur mondial de biens culturels. Le manga a conquis 45% du marché français de la bande dessinée et Shônen Jump3 paraît en version américaine. Longtemps considéré comme un produit destiné aux enfants et aux jeunes les moins éduqués, le manga séduit désormais – du moins en France – un public sophistiqué de cadres trentenaires. Cela mérite explication.

Brève histoire d’un baby-boomer fan de BD

Revenons au début des années 1970. La génération des baby-boomers français, comme celle de leurs homologues japonais, a lu de la BD pendant toute son enfance et son adolescence. Chaque semaine Coeurs vaillants ou Vaillant4 pour les écoliers, puis Tintin et Spirou dans les années de collège, puis Pilote au lycéeŠ puis plus rien. Au Japon, pour les baby-boomers qui mûrissaient, l’industrie du manga inventa successivement le manga pour les jeunes gens, puis pour les salariés5, et multiplia les genres à l’infini (science-fiction, horreur, sport, manga historique, politique, informatif6Š). En France, ma génération approchant de l’âge adulte dut se contenter d’une bande dessinée qui se repliait sur une subculture élitiste, mâle, à la fois intellectuelle, potache et plus ou moins contestataire, fondée sur l’absurde déjanté du Concombre masqué, le délire verbal d’Achille Talon et l’érotisme glacé de Jodelle et de Pravda7, trop sophistiqués pour avoir véritablement une clientèle de masse. Charlie Mensuel assaisonnait ce cocktail pour jeunes intellectuels d’une pincée de Peanuts, de Krazy Kat, d’Andy Cap et de dessinateurs italiens comme Buzzelli et Crepax – mais la censure française, qui tolérait pour les rejetons de l’intelligentsia l’érotisme cérébral et sophistiqué de ce dernier, pourchassait sans merci les sulfureuses créatures des fumetti populaires d’Elvipress qui auraient pu faire rêver le lectorat de masse: Jungla, Jacula, Isabella et Jolanda de Almaviva étaient interdites d’exposition et reléguées dans l’enfer des arrière-boutiques.

Je suivis Pilote jusqu’à la terminale et Charlie Mensuel le temps de l’université, mais il y avait déjà longtemps que mes soeurs, qui me disputaient Tintin et Spirou chaque mercredi au temps du collège, ne trouvaient plus de série qui répondit tant soit peu à leurs attentes de jeunes femmes. À l’autre bout du monde, “Les fleurs de l’an 248» proposaient aux Japonaises de leur âge des mangas conçus et dessinés par des jeunes femmes pour des jeunes femmes, avec une esthétique spécifique, une attention à des problèmes comme la grossesse ou le viol et une vision féminine de la vie amoureuse et sexuelle. Dans une société très machiste, où il était difficile pour des adolescentes de s’imaginer dans une relation amoureuse d’égale à égal avec un garçon, les dessinatrices utilisèrent le subterfuge des héroïnes travesties, à l’instar de la célébrissime “Lady Oscar” de la Rose de Versailles9, ou des amours entre éphèbes (shônen ai) dans lesquels la lectrice peut s’identifier, au choix, avec l’efféminé ou le plus viril. Quand les lectrices commencèrent à travailler, les éditeurs inventèrent pour elles l’OL manga10, et quand elles se marièrent, on leur offrit des ladies comics épicées, mélange de romantisme à l’eau de rose et de shônen ai version adulte pour s’évader de leur quotidien de ménagères.

Pendant ce temps, les jeunes françaises avaient cessé de lire de la BD et, du côté des garçons, la subculture élitiste de la génération Pilote dépérissait à mesure que sa clientèle quittait l’université. Dans les années 1980, Pilote, Charlie Mensuel et Hara Kiri/Charlie Hebdo périclitèrent et quittèrent la scène. Les éditeurs misaient désormais tout sur le confort des séries attrape-tout “pour les jeunes de 7 à 77 ans” dont Lucky Luke et Astérix étaient les increvables fleurons, drôles certes, mais mi-chair mi-poisson, plus qu’enfantins mais pas vraiment adultes, et limités par leur volonté d’oecuménisme transgénérationnel au seul genre du second degré comique.

Quiconque a suivi comme moi ce parcours comprend immédiatement pourquoi le manga a vocation à être un produit global: il propose des séries propres à intéresser les clientèles les plus diverses par l’âge, le sexe et les goûts, ce que ne savent faire ni la BD française ni les comics américains. Où sont les dessinateurs français capables de ramener à la bande dessinée une sexagénaire, médecin réputée, qui l’a abandonnée à l’âge de Pilote ? Aujourd’hui, la soeur aînée qui me disputait Tintin à l’adolescence se passionne pour Say Hello to Black Jack11, peinture noire du milieu hospitalier japonais vu par un jeune interne. C’est là à tout le moins une bonne base de départ pour attaquer le marché mondial.

La force de frappe d’un produit industrielŠ

Outre cette offre plus diversifiée qu’aucune autre, le manga dispose de multiples atouts face à la concurrence internationale. Il la domine par la masse d’une production à l’échelle industrielle et, par conséquent, son faible prix de revient. Au milieu des années 1970, quand la demande de séries télévisées pour enfants a explosé en Occident, les épisodes de Goldorak étaient produits par les studios japonais pour moins de 3 000 $ la minute. Il en coûtait alors 5 000 pour un épisode de Tintin et 4 000 pour une série américaine. Les studios japonais produisaient 4 fois plus d’épisodes que leurs homologues français (1 800 par an contre 45012). Ils disposaient en outre de stocks considérables car la télévision nippone diffusait massivement des séries animées enfantines depuis 1963, quand Tetsuwan Atomu13 avait ouvert la voie. Les chaînes privées, présentes dès l’origine à côté de l’unique chaîne nationale NHK, étaient encouragées par les sponsors et ne faisaient l’objet d’aucune censure. Le marché télévisuel était beaucoup plus riche, libre, inventif et actif au Japon qu’en France, où les téléspectateurs sont restés condamnés aux seules chaînes publiques14 jusqu’en 1984 ; aux États-Unis, tout était privé mais terriblement contraint par l’autocensure imposée par le maccarthysme. L’argent des sponsors, l’efficacité du mode de production des studios d’animation, mais aussi la liberté créative laissée aux chaînes expliquent pourquoi le Japon, dans les années 1970, a été en mesure d’envahir le marché mondial des séries télévisées pour enfants.

Ce premier pas de la culture populaire japonaise sur le marché occidental a été décisif pour la suite. Ce sont les jeunes téléspectateurs français qui vibraient pour Goldorak et Candy Candy à la fin des années 1970 qui, devenus adultes, ont ouvert le marché français au manga en faisant un triomphe à la traduction d’Akira15 en 1989- 1990. Ce sont eux, aujourd’hui trentenaires installés dans la vie active, qui constituent la fraction la plus sophistiquée des fans et permettent aux éditeurs français, depuis quelques années, de mettre sur le marché, pour un lectorat adulte doté d’un haut niveau d’éducation, des séries de qualité comme le gekiga16 des années 1950-1960, les séries pour adultes de Tezuka ou celles de la nouvelle génération des dessinatrices qui a éclos dans les années 1990-2000 et qui connaît aujourd’hui un grand succès en France, à en juger par le nombre de celles qu’on traduit17.

Produit industriel bon marché, le manga est en même temps un bien de consommation de grande qualité. En ce sens, le succès de Shueisha ou de Kodansha sur le marché mondial n’est pas différent dans son principe de celui de Toyota ou de Sony. J’ai analysé ailleurs18 les qualités particulières qui font du manga un “produit de plaisir” d’une qualité exceptionnelle. Il suffit ici de dire que le manga satisfait beaucoup mieux que la bande dessinée franco-belge et les comics américains les six besoins psychologiques fondamentaux que sont la volonté de puissance, le besoin d’accomplissement, le besoin de sécurité, le besoin d’excitation, le besoin d’évasion et le besoin de distinction, dont la combinaison est à la base de l’alchimie du plaisir (autre que celui qui découle de la satisfaction des besoins physiques). Il le doit tout autant à des particularités de la culture japonaise qu’à la liberté exceptionnelle dont le manga, à la différence de la BD française et des comics américains, a joui depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Une exubérance (presque) libre de censure

Contrairement aux idées reçues, la culture japonaise est beaucoup plus débridée que celle d’un Occident contraint par le judéo-christianisme et le politiquement correct. Elle est bien moins inhibée face au sexe19. L’absence de religion monothéiste intolérante, l’ignorance de la philosophie cartésienne et l’entrée tardive dans la modernité ont assuré la survie dans l’inconscient collectif japonais d’une bonne dose d’irrationnel, d’un grouillement d’esprits, de monstres plus ou moins jovials ou effrayants selon les cas, de fantômes et de superstitions. Un laisser-aller bon enfant jugé chez nous incorrect, voire répugnant, y est toléré20. Le goût des héros malheureux21 et des larmes est profond au point que même les Premiers ministres n’ont pas de honte, à l’occasion, à pleurer en public22. Tout cela se retrouve dans le manga et en fait un produit bien plus “épicé” que la bande dessinée française. Le Titeuf23 des cours de récréation françaises fait un peu étriqué face à un gamin à queue de singe chevauchant un nuage supersonique, disciple d’un vieillard lubrique, qui affronte, flanqué d’un petit cochon et d’un mini-bonze, d’innombrables adversaires dont d’aucuns usent d’énormes flatulences comme armes chimiques ; sauve et re-sauve la terre et autres planètes, semant les cadavres de méchants par centaines ; voit mourir ses compagnons, meurt aussi, ressuscite avec eux, meurt encore, tutoie Dieu et découvre (entre autres) qu’Il n’est pas grand-chose ; découvre aussi que la frontière est bien floue entre bons et méchants ; devient père et grand-père sans vraiment grandir – et ainsi de suite au long de 10 000 pages. On aura reconnu l’épopée baroque de Dragon Ball24, champion toutes catégories des tirages du manga à l’échelle planétaire. Cet ovni culturel a horrifié parents et éducateurs occidentaux, mais il touche les enfants et les adolescents du monde entier au plus profond de leur imaginaire, car celui-ci n’est pas plus bridé par l’héritage rationnel des Lumières, étranger aux jeunes esprits de quelque région du monde qu’ils soient, que ne l’est la créativité des mangaka japonais.

Les imaginaires du manga ne sont pas non plus bridés par les éditeurs et les autorités – du moins, ils le sont à un degré moindre qu’en Occident. On sait comment les comics américains ont été émasculés par le Comics Code de 1954. En France, la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence, instaurée par la loi de 1949, aseptise sans pitié l’univers de la bande dessinée et fait barrage aux importations jusqu’aux années 1990 avant de sombrer peu à peu dans l’inaction25. Au Japon, par réaction aux excès répressifs du régime militariste honni, les autorités n’osent pas toucher à la liberté d’expression, et le fait que le manga soit produit par les plus puissants éditeurs incite le gouvernement à la prudence. Les velléités de censure, à partir des années 1960, viennent au premier chef des omniprésentes associations de parents et de professeurs26, mais sans grand succès. Un cas emblématique est celui de Go Nagai. Le créateur de Goldorak est davantage connu au Japon pour le très vulgaire, très sexuel et très iconoclaste Harenchi gakuen. Commencée en 1968, cette série a pour théâtre une “école impudique” (c’est le sens du titre) où la principale occupation des professeurs et des garçons, quand ils ne sont pas en train de s’enivrer, d’organiser des jeux d’argent truqués, de déféquer dans les couloirs ou de s’exhiber, est de retrousser les jupes des filles, dont beaucoup ne s’en plaignent guère, et de les battre comme plâtre à l’occasion. Le grand éditeur Shueisha, qui publiait la série dans Shônen Jump, son hebdomadaire phare, brava pendant quatre ans les protestations outragées des PTA, sans que les autorités osent s’en mêler. En 1972, Nagai conclut la série: des parents d’élèves et des conservateurs de tout poil mènent contre l’école un assaut à l’arme lourde qui tourne au massacre généralŠ En France ou aux États-Unis, la série aurait été étranglée par la censure dès le premier épisode.

Le mode de production du manga favorise structurellement cette exubérance jouissive. La prépublication systématique des séries en feuilleton et le contrôle en continu de leur popularité via les dokusha kâdo27 oblige les mangaka à “coller” à l’imaginaire de leur lectorat – notamment les adolescents, dont il faut bien admettre que partout dans le monde ils sont plus portés à s’intéresser aux mille et un moyens d’embrasser et de perdre leur virginité qu’aux aventures d’un porteur de menhir ponctuées de jeux de mots au second degré. En outre, la concurrence intense qui règne entre mangaka les oblige à une surenchère permanente qui rappelle la stratégie supersize me de McDonald’s, à ceci près que ce n’est pas “plus de frites” qu’on propose au consommateur, mais au choix “plus de romantisme”, “plus d’action”, “plus de burlesque”, “plus de surnaturel”, “plus de sexe”, voire le tout à la fois.

Il est vrai que le héros de Dragon Ball se marie et procrée en parfaite conformité à l’ordre social traditionnel. Celui de GTO28, un ancien voyou aux mauvaises manières et au grand coeur devenu enseignant, se refuse vertueusement à perdre dans les bras des écolières qui s’offrent à lui la virginité dont il rêve pourtant de se débarrasser. Ne nous y trompons pas: le manga est moral ! Shonen Jump a pour devise «Amitié, Effort, Victoire”. Mais ces signes sont trop convenus pour chagriner vraiment le lecteur. Il est vrai aussi, comme l’a montré Sharon Kinsella29, que la tolérance semble avoir diminué depuis les années 1980. Toujours aussi peu désireuses de s’en prendre à visage découvert à la liberté d’expression, les autorités ont sous-traité la surveillance du “manga nuisible” (yûgai manga) à des associations de mères de famille et de personnes âgées discrètement appuyées par les autorités locales30. Il en a résulté certaines formes d’autocensure de la part des éditeurs. Mais cela n’empêche pas le manga de continuer à montrer bien des choses qu’on ne voit jamais dans la BD ou les comics. Sans que cela – soulignons-le à l’usage des parents et des éducateurs inquiets – ait jamais fait monter le taux de criminalité dans l’Archipel.

Scénarios pour la jeunesse postindustrielle du monde (1):Akira, ou la désillusion dynamique

L’habileté de la stratégie de segmentation du marché et de maturation du produit menée par l’industrie du manga, l’efficacité de son mode de production et le champ libre qu’il laisse à un imaginaire – notamment adolescent – qui a des résonances universelles sont des explications trop limitées au succès du manga et des media mix qui lui sont associés sur le marché culturel global depuis la fin du XXe siècle. Il faut se pencher en détail sur le timing de sa pénétration et sur les scénarios, les thèmes et les personnages qui ont fait le succès du manga sur le marché occidental. Par ce moyen, nous pourrons comprendre à quelle demande il répondait que notre culture populaire ne satisfait pas. Partant, nous comprendrons comment l’expérience historique unique qui a nourri l’imaginaire populaire japonais d’après-guerre et le manga a pu accéder à l’universel – ou, plus précisément, à ce qui est “universel” dans les pays développés parvenus au stade du capitalisme postindustriel et de la “postmodernité culturelle” qui lui est associée. Pour cela, je me propose ici d’analyser brièvement trois thèmes qui me semblent avoir joué un rôle important dans la success story mondiale du manga à la fin du XXe siècle et au début du XXI.: l’apocalypse, la science et l’individu.

Le manga contemporain est né dans le feu d’Hiroshima, qui lui a donné ce que Saya Shiraishi a baptisé “l’Expérience originelle31“: l’histoire d’un groupe de jeunes survivants orphelins, soudé par l’amitié et le refus de mourir, qui lutte dans un univers postapocalyptique et fait se lever l’aube d’un monde nouveau. Ce scénario traumatique se retrouve sous mille et une formes dans le manga et la japanimation. Dans sa version première, telle que Keiji Nakazawa l’a mise en scène en 1972 dans Gen d’Hiroshima32, de jeunes héros à l’optimisme increvable luttent avec une claire conscience pour reconstruire un monde meilleur. Cette version a rencontré peu de succès à l’étranger. Le thème de l’Apocalypse n’éveillait aucun écho dans un Occident qui se pensait toujours en maître du monde et vivait les trente glorieuses. Plus profondément, dans la culture judéo-chrétienne, l’Apocalypse est l’affaire de Dieu et, à ce titre, l’homme ne peut rien y faire. Toutes les tentatives pour traduire Gen furent des fiascos33.

Dans les années 1980, le genre postapocalyptique japonais changea d’âme entre les mains d’une nouvelle génération de mangaka, celle des baby-boomers tardifs (nés au milieu des années 1950), qu’on pourrait baptiser “génération Ôtomo34». L’expérience de cette génération différait radicalement de celle de la précédente. Elle n’avait aucune mémoire directe de la guerre et ses parents avaient fait de leur mieux pour ne pas en parler ; elle n’avait presque rien vu des grandes luttes sociales et politiques qui s’étaient éteintes en 1960, et les duretés de la reconstruction ne l’avaient guère marquée. Son souvenir d’adolescence le plus vif était celui du mouvement de 1968 mené par ses frères aînés: elle avait assisté à leur échec total35 et à leur dérive insensée dans un terrorisme sanglant et autodestructeur. La “génération Ôtomo” donna donc de l’expérience originelle une version très différente de celle de Nakazawa: l’univers postapocalyptique est dépourvu de sens, les héros y errent dans la confusion, les certitudes se sont évaporées, les frontières entre le Bien et le Mal se brouillent, et la fin ne promet aucun monde meilleur.

La série emblématique de cette métamorphose est Akira36. L’ancien voyou Kaneda, pâle reflet du héros positif à l’ancienne, erre dans les ruines de Néo-Tokyo en poursuivant obstinément, en pleine apocalypse, des buts personnels dérisoires à l’échelle du cataclysme (venger ses camarades massacrés par le mutant Tetsuo, conquérir l’amour de Kay). Les groupes sont détruits, à l’instar de la bande de motards de Kaneda, et les liens d’amitié rompus. Tetsuo, le mutant meurtrier qui pourrait faire sauter la planète, n’est qu’un gosse malheureux qui rêve de retourner se blottir dans les bras de sa mère qui l’a abandonné – et l’immature Kaneda partage inconsciemment ce rêve dans ses relations avec les personnages féminins (la jeune Kay, son Pygmalion Lady Miyako, et Chiyoko, la guerrière maternelle) qui s’avèrent toutes plus lucides et plus fortes que lui dans l’épreuve. Les efforts organisés pour reconstruire ce qui peut l’être (la communauté de Lady Miyako) échouent lamentablement, le défi final lancé à la communauté internationale par le «Nouvel empire d’Akira” ressemble à un caprice d’adolescents et, à la dernière image, la reconstruction du monde n’est qu’un rêveŠ

C’est Akira qui a ouvert le marché français au manga. Une raison est peut-être accidentelle: Akira été la première série complète proposée aux anciens fans de Goldorak qui étaient devenus de jeunes adultes et avaient les moyens de s’acheter 13 volumes représentant à l’époque la somme coquette de 1 274 francs. Mais plus profondément, la fin des illusions dans Akira éveillait des échos profonds dans la “génération Goldorak” en France. Née dans la seconde moitié des années 1960, elle accédait à l’âge adulte dans un contexte de désillusions et d’incertitudes. Les utopies étaient mortes: le rêve communiste s’était effondré et la présidence socialiste de François Mitterrand (1981-1995), qui avait porté tant d’espoirs, les avait déjà tous déçus. Les trente glorieuses n’étaient plus qu’un souvenir et la mondialisation commençait à inquiéter l’Europe. L’intelligentsia et les médias s’entichaient de la postmodernité, qui signait la fin des certitudes. Signe des temps, Pilote – ultime survivant de la BD soixante- huitarde, contestataire et utopiste – cessa définitivement de paraître en 1989 au moment même où Glénat s’apprêtait à lancer Akira sur le marché français: les fans de BD, les baby-boomers dont Pilote avait été l’emblème, laissaient la place à ceux que les médias avaient baptisés la “Bôf génération” (la génération désabusée).

Akira donnait à cette génération le plaisir de retrouver les souvenirs de Goldorak et correspondait bien à son état d’esprit. La combinaison des deux était irrésistible. Au Japon, le sentiment de désillusion avait des racines bien plus profondes et plus tragiques que celui de la “Bôf génération” française37, qui pouvait apparaître à bien des égards comme un bovarysme d’enfants gâtés. Mais la désillusion était promise à un grand avenir en Occident, sur fond de mort des utopies, de multiplication des menaces inédites (environnementales, terroristes) et de rééquilibrage général de la puissance aux dépens de la vieille Europe. Sa mise en scène par le manga, outre les charmes de l’exotisme, offrait l’immense avantage, pour de jeunes adultes, de n’être ni passéiste, ni démoralisante – et même paradoxalement dynamique, tant Akira était un tourbillon haletant. Ôtomo y a masqué le vide de sens et désamorcé la désespérance par une action au rythme frénétique, la multiplication des significations possibles (anti-militarisme, anti-américanisme, religiosité humanitaro-bouddhiste, etc. dont il importe peu qu’elles fussent autant de fausses pistes dès lors qu’elles ont rempli leur office en occupant à tour de rôle l’esprit du lecteur) et l’invocation d’un bric-à-brac New Age mêlant pêle-mêle une mystérieuse autre dimension, les inconnus de l’ADN et un stade supérieur que l’humanité pourrait atteindreŠ En ce sens, on pourrait dire que le succès des diverses variantes du genre postapocalyptique tel qu’il a été véhiculé par le manga sur le marché occidental n’est plus le fait d’une jeunesse qui refuse de céder au désespoir, comme dans Gen d’Hiroshima, mais celui d’une jeunesse qui veut en être distraite et entend concilier désillusion et dynamisme.

Sur le marché français, le genre postapocalyptique ira, si l’on peut dire, de mal en pire, avec le succès de séries comme Mother Sarah38, scénarisée par Ôtomo, puis Dragon Head39, Larme ultime40 et l’École emportée41. Dans la première, le rêve même de reconstruction disparaît, et dans les trois autres, l’absurdité du destin et l’impuissance des jeunes héros sont totales: nul ne sait désormais quelles sont les causes de l’apocalypse et c’est la mort qui attend tous les protagonistes. Mais le succès de ces séries en France ne doit pas laisser penser que les fans de manga auraient plongé dans un désespoir sans fond et éprouveraient un plaisir masochiste à le voir refléter par leur genre favori. C’est bien plutôt le signe qu’ils sont devenus des amateurs au sens plein du terme – au même titre qu’on parle d’amateurs de peinture ou de musique –, capables d’apprécier les diverses déclinaisons de leur genre favori pour elles-mêmes.

Scénarios pour la jeunesse postindustrielle du monde (2): l’adieu à Astroboy

L’apocalypse n’est pas le seul legs d’Hiroshima à la mémoire collective japonaise et, à travers elle, au manga. Le feu nucléaire était le fils de la Science – une science que l’Amérique avait maîtrisée mieux que les Japonais et face à laquelle tout leur courage n’avait rien pu. Ils en conclurent que le seul moyen de retrouver leur place dans le monde était de maîtriser eux aussi la science. Au lendemain de la guerre, celle-ci devint l’objet d’un véritable culte au Japon. Après la faillite des adultes à la guerre, l’avenir était entre les mains des jeunes qui le bâtiraient radieux grâce à la science.

Astroboy, de Tezuka Osamu, est la série la plus emblématique de cette mentalité – en même temps que la plus célèbre de toute l’histoire du manga42. Né en 1952, le petit robot au coeur atomique est l’incarnation même de la “jeunesse scientifique” dont la mission est d’établir un monde de justice dans lequel le Japon occupera une place éminente (Astro va redresser les torts aux quatre coins de la planète, y compris aux États-Unis). Mais en un demi-siècle, le culte de la science a subi le même sort que l’utopie de la reconstruction postapocalyptique. Dès la fin des années 1960, avant les pays occidentaux, le Japon est aux prises avec des problèmes de pollution dramatiques43. Tezuka lui-même est désabusé quand il crée Black Jack44, vingt ans après Astrobov: son héros, chirurgien hors pair, accomplit des miracles, mais la société l’a mis hors-la-loi ; il peut sauver les corps et parfois les âmes, mais la mesquinerie, l’avidité et la méchanceté des hommes ont enterré l’avenir radieux promis aux jeunes lecteurs d’Astroboy. Dans les années 1990, au moment où le manga part à la conquête du monde, la science est devenue mauvaise et dangereuse. Des séries comme Inugami45 et Parasite46 (revanche des forces supérieures contre la pollution), Eternal Sabbath47 (manipulations génétiques), ou Eden48 et 20th Century Boys49 (manipulation de virus mortels) dépeignent à présent la science comme la mère de tous les dangers, qui menace l’humanité de mort ou d’asservissement. Cette thématique, à peu près ignorée de la BD française comme celle de la désillusion postapocalyptique, captive aujourd’hui le lectorat hors du Japon. Un demi-siècle après Hiroshima, alors que la menace environnementale et le réchauffement climatique sont devenus des sujets médiatiques à l’échelle planétaire, le problème des méfaits de la science, que le Japon avait vécu de manière dramatique avant tous les autres pays, est devenu celui de l’Humanité entière.

Toutefois, comme le postapocalyptique revisité par Ôtomo, le manga “postscientifique” sait traiter le thème dramatique de l’humanité menacée d’extinction par la pollution et une science devenue folle sans sombrer dans la désespérance. Ainsi dans Inugami, la réaction de la nature contre la pollution déclenche une croissance explosive et meurtrière de la végétation qui anéantit presque les Japonais. Mais en fusionnant avec “l’arbre de vie” qui a déclenché le phénomène, un couple d’adolescents permet l’apparition d’êtres capables de vivre dans le nouvel environnement végétal, qui prend des allures d’Eden. De même dans Parasite, la superespèce cannibale envoyée sur Terre pour punir les hommes d’avoir pollué la planète finit par se croiser avec eux. On retrouve ici le bric-à-brac idéologique New Age (passage de l’humanité vers une autre dimension, existence d’humains dotés d’un ADN supérieur et d’entités non humaines bonnes ou mauvaises, rôle de la nature dans l’éclosion d’une nouvelle spiritualité, etc.) qu’Ôtomo convoquait dans les derniers volumes d’Akira à l’usage des lecteurs en manque de sens. Peu importe qu’il s’agisse ou non d’une simple figure de style. L’essentiel est que cette thématique s’accorde à l’état d’esprit de la jeunesse occidentale de la fin du XX. et du début du XXI. siècle, avide de réenchanter un monde déserté par les certitudes de la Raison et asséché du sens dont l’irriguaient les “Grandes narrations” utopiques de la modernité.

Mieux que la BD ou les comics, l’univers du manga a su se mettre au diapason de l’époque pour répondre à cette demande de sens nouveau – fut-il farfelu. Au Japon, le peuple prémoderne des kami, des oni, des yokai et des yure50 a été épargné par les ravages du monothéisme intolérant qui l’a décimé en Occident, et n’a été que tardivement dénigré par la modernité, dans laquelle l’archipel n’est entré qu’au milieu du XIXe siècle. Par conséquent, selon l’expression d’Anne Allison51, le Japon contemporain a conservé un “inconscient animiste”, qui imprègne notamment l’univers du manga et ne demandait qu’à se greffer sur les thématiques New Age, grosses consommatrices d’entités non humaines. Sur ce point aussi, par un retournement paradoxal, les spécificités qui distinguent le plus radicalement le Japon de l’Occident (absence du monothéisme, retard à la modernité) sont précisément celles qui lui donnent une place de choix dans la “nouvelle universalité postmoderne” qui concurrence aujourd’hui la rationalité née des Lumières européennes au XVIIe siècle. Dans le manga, aucune rationalité ne s’oppose à ce qu’un couple de lycéens japonais fusionne avec un “arbre de vie”, qu’un petit campagnard rencontre des yokai à chaque coin de rue52, que les dieux du village se réveillent pour mettre en déroute les politiciens corrompus et les gangsters qui voulaient le polluer53, qu’un honnête voyageur se retrouve dans un village où tout le monde (y compris les femmes décapitées) baise joyeusement avec tout le monde 54, et que les intelligences artificielles s’émancipent pour vivre leur propre vie55Š Ce joyeux désordre foutraque ne suffira pas pour réenchanter l’univers vidé de sens par le capitalisme postindustriel, mais du moins répondil à une demande latente. Ultime paradoxe, cela fait du manga et des imaginaires qui y sont associés un produit culturel générateur de profits considérables pour ledit capitalisme postindustriel…

Prononcer animé: films d'animation japonais.

Osamu Tezuka (1928-1989), surnommé ³Manga no kamisama² (le dieu du manga), est crédité -- parfois un peu abusivement -- des principales innovations qui, après 1945, ont fait du manga ce qu'il est aujourd'hui. La parution de sa «Nouvelle île au trésor" (Shin Takarajima, 1947) est traditionnellement considérée comme l'acte de naissance du manga contemporain.

Le plus important des hebdomadaires de manga. Destiné aux adolescents, il tirait à plus de 6 millions d'exemplaires à son apogée, au milieu des années 1990.

Le premier dans les familles catholiques comme la mienne, le second dans les familles communistes.

Seinen manga: manga de jeunes gens (exemple: Say Hello to Black Jack, de Syuho Sato, éd. fr. Glénat, 13 vol.). Salaryman manga ou shokugyo mono: manga pour les salariés, surtout cols blancs (exemple: Shacho Shima Koseki, de Kenshi Hirokane).

Seiji manga: manga politique (exemple: Sanctuary, de Ryoichi Ikegami, éd. fr. Kabuto, 12 vol.). Shakai manga: manga traitant de problèmes de société (exemple: Kiitchi !!, de Hideki Arai, éd. fr. Delcourt, 8 vol.). Manga informatif: Jôhô ou kaisetsu manga (exemple: les Secrets de l'économie japonaise en bande dessinée, de Shotaro Ishinomori, éd. fr. Albin Michel, 1989).

Le Concombre masqué: créé en 1965 par Mandryka. Achille Talon: créé en 1963 par Greg. Les Aventures de Jodelle (1966) et Pravda la survireuse (1968) de Guy Pellaert.

"Les fleurs de l'an 24" (an 24 de l'ère Shôwa: 1947): Riyoko Ikeda, Yumiko Igarashi et Ryôko Yamagishi (nées en 1947), Moto Hagio (née en 1949) et Yumiko Oshima (née en 1950).

La Rose de Versailles, série de Riyoko Ikeda, éd. fr. Kana, 3 vol., 2002-2005.

OL: abréviation de office ladies (jeunes employées de bureau).

Say Hello to Black Jack, série de Satô Shuho, éd. fr. Glénat, 13 vol., 2004-2006.

Chiffres: Anne Baron-Carvais, la Bande dessinée, Paris, PUF, coll. «Que sais-je ?", 1985, p. 108.

D'Osamu Tezuka, en français Astroboy. Diffusée à l'origine sur la chaîne privée Fuji TV et sponsorisée par le grand chocolatier Meiji.

Une seule jusqu'en 1969, puis deux, puis trois à partir de 1972. Il faudra attendre jusqu'en 1984 pour qu'apparaissent les chaînes privées.

Le premier manga intégralement traduit en français. Série postapocalyptique de Katsuhiro Ôtomo, éd. fr. Glénat, 13 vol., 1989-1990 (nombreuses rééditions).

"Images dramatiques": bandes dessinées destinées aux adultes, dont l'apogée se situe entre 1950 et 1970.

Mari Okazaki, Moyoco Anno, Erica Sakurazawa, Yayoi Ogawa, Kiriko Nananan, Yamaji Ebine, Q-ta Minami.

Jean-Marie Bouissou, "Pourquoi nous aimons le manga. Une approche économique du nouveau soft power japonais", Cités no 27, juillet 2006, p. 71-84 ; ³Japan's growing cultural power. The case of manga in France², dans Jaqueline Berndt (ed.), Reading Manga from Multiple Perspective, Leipzig, Leipzig Universitätverlag, 2006.

Nicholas Bornoff, Pink Samurai. An Erotice Exploration of Japanese Society, Londres, Grafton Books, 1991. Joan Sinclair, Pink Box, Paris, La Martinière, 2006.

Jusqu'aux années 1960, les Japonais avaient coutume de se mettre en sous-vêtements jusque dans les trains pour échapper à la touffeur humide de l'été. L'ivresse publique n'est pas l'objet du même opprobre qu'en Occident, et les pets et les rots y font encore rire à la télévision.

Sur ce point, voir Ian Buruma, A Japanese Mirror. Heroes and Villains of Japanese Culture, Hardmondsworth, Penguin Books, 1984.

Ce fut le cas notamment de Yasuhiro Nakasone (1982-1987), de Ryutaro Hashimoto (1996-1998) et de Junichiro Koizumi (2001-2005), tous réputés par ailleurs "hommes forts".

Titeuf, série de Zep, Glénat, 11 vol., en cours depuis 1993.

Dragon Ball, série d'Akira Toriyama, éd. fr. Glénat, 42 vol., 1993-2000.

Bernard Joubert, Dictionnaire des livres et journaux interdits de 1949 à nos jours, Paris, Cercle de la librairie, 2007.

PTA (Parents-Teachers Associations) car mises en place pendant l'occupation américaine.

Cartes-réponses insérées dans les hebdomadaires qui permettent aux lecteurs de classer les séries par ordre de préférence.

Great Teacher Onizuka, série de Toru Fujisawa, éd. fr. Pika, 25 vol.

Sharon Kinsella, Adult Manga. Culture and Power in Contemporary Japanese Society, Richmond, Curzon Press, 2001.

J.-M. Bouissou, Quand les sumos apprennent à danser. La fin du modèle japonais, Paris, Fayard, 2003, p. 405-406.

Saya Shiraishi, ³Doraemon goes to Asia², dans Takashi Shiraishi et Peter Katzenstein (eds), Network Power. Japan and Asia, Ithaca (NY), Cornell University Press, 1997.

En japonais, Hadashi no Gen (Gen aux pieds nus), éd. fr. Vertige Graphic, 10 vol. (2003-2007).

Dans les années 1980, la tentative du groupe pacifiste américain Project Gen, dont les volontaires traduisirent la série de Nakazawa, avorta après la publication de deux volumes. Les tentatives menées en France par les Humanoïdes associés (1983) et en Grande-Bretagne par Penguin Boks (1989) n'eurent pas plus de succès. La traduction a été finalement menée à bien par Vertige Graphic, 10 t., 2003-2007.

Du nom de l'auteur d'Akira.

Si les soixante-huitards français peuvent estimer qu'ils ont apporté des changements décisifs et immédiats à la société, le mouvement japonais, quoique beaucoup plus violent et long, n'a presque rien changé, au statu quo, du moins à court terme.

Akira, de Katsuhiro Otomo, éd. fr. Glénat. Nombreuses éditions depuis 1990 ; la première comportait 13 volumes.

Ce qui explique qu'il ait engendré le phénomène otaku, qui a pu apparaître par moments comme une véritable pathologie avant que la "génération otaku" se réconcilie avec le monde au tournant du XXI. siècle.

Mother Sarah, dessin de Takumi Nagayasu, éd. fr. Delcourt, 11 vol., 1996-2006.

Dragon Head, série de Minetaro Mochizuki, éd. fr. Media Système, 9 vol., 1999-2001.

Larme ultime, série de Shin Takahashi, éd. fr. Delcourt, 7 vol., 2003-2004.

L'École emportée, série de Kasuo Umezu, éd. fr. Glénat, 6 vol., 2004-2005.

C'est ce qui ressort des comptages effectués par l'auteur en 2001-2002 sur 16 ouvrages universitaires (encyclopédies, analyses) japonais, français et américains portant sur le manga. Astroboy est la série la plus souvent citée.

L'affaire de l'empoisonnement au mercure de la baie de Minamata est la plus médiatisée en Occident, mais non la seule. Pour des détails, voir J.-M. Bouissou (sous la dir. de), le Japon contemporain, Paris, Fayard, 2007, p. 245-246.

Osamu Tezuka, Black Jack, éd. fr. Glénat, puis Asuka, 17 vol.

Inugami, série de Masaya Hokazone, éd. fr. Delcourt, 14 vol., 2002-2004.

Parasite, série d'Itoshi Iwaaki, éd. fr. Glénat, 10 vol., 2002-2004.

Eternal Sabbath, série de Fuyumi Soryo, éd. fr. Glénat, 8 vol., 2004-2005.

Eden, série de Hiroki Endo, éd. fr. Panini Comics, 15 vol., en cours depuis 2001.

20th Century Boys, série de Naoki Urasawa, éd. fr. Panini Comics, 22 vol., en cours depuis 2002.

Esprits divins, démons, monstres et fantômes. Voir Shigeru Mizuki, Yokai. Dictionnaire des monstres japonais, Boulogne-Billancourt, Pika, 2007.

Anne Allison, Millenial Monsters. Japanese Toys and the Global Imagination, Berkeley, University of California Press, 2006.

Shigeru Mizuki, NonNonBâ, Éd. Cornélius, 2007.

Jinpachi Mori et Kanji Yoshikai, Tajirakao, l'esprit de mon village, Delcourt, 4 vol., 2002-2003.

Yoji Fukuyama, Voyage à Uroshima, Sakka, 1 vol., 2007.

Shirow Masamune, Ghost in the Shell, Glénat, diverses éditions depuis 1996.

Published 27 October 2008
Original in French
First published by Esprit 07/2008

Contributed by Esprit © Jean-Marie Bouissou / Esprit / Eurozine

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