Historiser les traces mémorielles

Les récentes études d’histoire sociale de la mémoire montrent à quel point l’opposition canonique entre histoire et mémoire n’est pas pertinente. Le rapprochement même de ces deux notions rappelle la dimension humaine de la discipline historique. Cette mise en question de la séparation radicale, pratiquée par Maurice Halbwachs, et du recouvrement des deux domaines, pratiquée par l’Etat national, a pour effet un déplacement du regard historique, initié par Georges Duby dans son étude de la fameuse bataille de Bouvines1 : il ne se limite pas à restituer ce qui s’est réellement passé, c’est à dire pas grand chose, en cet illustre dimanche 27 juillet 1214, mais montre que ce qui constitue cette journée comme événement importe surtout par ses traces : ” En dehors d’elles, l’événement n’est rien. “2 Le souvenir si lointain de Bouvines n’a pu être conservé qu’à partir du moment où il a été entretenu, encadré dans la conscience collective. Les métamorphoses de cette mémoire deviennent donc objet d’histoire au même titre que l’effectivité de l’événement dans ses étroites limites temporelles. L’étude des jeux de la mémoire et de l’oubli des traces dévoile comment ” la perception du fait vécu se propage en ondes successives “.3

Ce déplacement du regard historien correspond tout à fait au tournant historiographique actuel selon lequel la tradition ne vaut que comme traditionnalité, en tant qu’elle affecte le présent. La distance temporelle n’est plus alors un handicap mais un atout pour une appropriation des diverses stratifications de sens d’événements passés devenus événements sursignifiés, comme le dit Michel de Certeau : ” L’événement est ce qu’il devient “. Cette conception discontinuiste de l’historicité, privilégiant le caractère irréductible de l’événement, conduit à une mise en question de la vision téléologique d’une raison historique s’accomplissant selon un axe orienté.

Cette nouvelle approche de l’histoire implique la remise en cause de la distance instituée par la plupart des traditions historiographiques entre un passé mort et l’historien chargé de l’objectiver. Au contraire, l’histoire est à recréer et l’historien est le médiateur, le passeur de cette recréation. Elle se réalise dans le travail de l’herméneute qui lit le réel comme une écriture dont le sens se déplace au fil du temps en fonction de ses diverses phases d’actualisation. L’objet de l’histoire est alors construction à jamais réouverte par son écriture. L’histoire est donc d’abord événementialité en tant qu’inscription dans un présent qui lui confère une actualité toujours nouvelle car située dans une configuration singulière. Walter Benjamin opposait déjà à l’historicisme la transposition d’un modèle emprunté à la causalité mécanique dans lequel la cause d’un effet est recherchée dans la position d’antériorité immédiate sur la chaîne temporelle. Benjamin opposait à ce modèle scientiste ” un modèle herméneutique, tendant vers l’interprétation des événements, c’est à dire vers la mise en lumière de leur sens”.4

Ce déplacement de regard qui, sans nier la pertinence du nécessaire moment méthodique, critique, accorde une prévalence à la part interprétative de l’histoire, est défini par Pierre Nora lorsqu’il caractérise le moment historiographique actuel :

La voie est ouverte à une tout autre histoire : non plus les déterminants, mais leurs effets ; non plus les actions mémorisées ni même commémorées, mais la trace de ces actions et le jeu de ces commémorations ; pas les événements pour eux-mêmes, mais leur construction dans le temps, l’effacement et la résurgence de leurs significations ; non le passé tel qu’il s’est passé, mais ses réemplois successifs ; pas la tradition, mais la manière dont elle s’est constituée et transmise.5

Ce qui est en jeu est la prise de conscience par les historiens du statut de second degré de leur discours. Entre histoire et mémoire, le fossé n’en est pas pour autant comblé. On peut éviter l’impasse à laquelle conduit une trop grande séparation, mais aussi le recouvrement des deux notions. A la valeur d’expertise de l’historien et valorisant le statut de la vérité dans sa recherche pour faire pièce aux négationnistes, laissant à la mémoire la fonction de la fidélité, on peut se demander ce que vaudrait une vérité sans fidélité ou une fidélité sans vérité. C’est par la médiation du récit qu’une articulation peut être réalisée entre ces deux dimensions.

A ce titre, la pratique psychanalytique peut être suggestive à l’historien. L’analysant parle et au travers de l’affleurement de l’inconscient dans son dire sous forme de bribes de récits incohérents, de rêves, d’actes manqués etc., l’objectif est d’aboutir à terme à une mise en intrigue intelligible, acceptable et constitutive de son identité personnelle. Dans cette quête, le patient, selon Freud, passe par deux médiations. En premier lieu, celle de l’autre, de celui qui écoute, le psychanalyste. La présence d’un tiers qui autorise à raconter est indispensable à l’expression de la mémoire la plus douloureuse, traumatique. Le patient parle devant témoin et c’est ce dernier qui l’aide à lever les obstacles de la mémoire. La seconde médiation est celle du langage lui-même du patient qui est celui d’une communauté singulière. Ces deux médiations donnent un enracinement social au récit pour le transmuer en pratique. Le dispositif de la cure, par la présence d’un tiers, crée une forme particulière d’intersubjectivité. Quant au dire lui-même du patient, ses récits tissés de récits qui le précèdent sont donc ancrés dans une mémoire collective. Le patient exprime une intériorisation de la mémoire collective qui croise sa mémoire personnelle, débordée par le souci de la communication, de la transmission intergénérationnelle. Cette mémoire relève donc d’un tissage à la fois privé et public. Elle advient comme émergence d’un récit constitutif d’une identité personnelle enchevêtrée dans des histoires qui fait de la mémoire une mémoire partagée.

Le second grand enseignement que l’on peut tirer de la pratique analytique est le caractère blessé de la mémoire dont les mécanismes complexes visent à faire avec et donc à refouler les traumatismes subis et les souvenirs trop douloureux. Ceux-ci sont à la base de diverses pathologies. Deux essais de Freud ont pour objet le traitement du souvenir au plan collectif. Ils mettent en évidence, à une échelle individuelle, le rôle actif de la mémoire, le fait qu’elle engage un travail. La cure analytique contribue à un ” travail du souvenir ” qui doit passer au travers des souvenirs-écrans, sources de blocages qui conduisent à ce que Freud qualifie de compulsion de répétition chez le patient condamné à résister en s’attachant à ses symptômes. Le second usage du travail de la mémoire invoqué par Freud est plus connu encore, c’est le ” travail du deuil “.6 Le deuil n’est pas seulement affliction, mais véritable négociation avec la perte de l’être aimé dans un lent et douloureux travail d’assimilation et de détachement. Ce mouvement de remémoration par le travail du souvenir et de mise à distance par le travail du deuil démontre que la perte et l’oubli sont à l’oeuvre au coeur même de la mémoire pour en éviter les troubles. La mémoire est, à l’égal de l’histoire, un mode de sélection dans le passé, une construction intellectuelle et non un flux extérieur à la pensée.

La mémoire pluralisée, fragmentée, déborde aujourd’hui de toutes parts le ” territoire de l’historien “. Outil majeur du lien social, de l’identité individuelle et collective, elle se trouve au coeur d’un réel enjeu et attend souvent de l’historien qu’il en donne, dans l’après-coup, le sens, à la manière du psychanalyste. Longtemps instrument de manipulation, elle peut être réinvestie dans une perspective interprétative ouverte vers le futur, source de réappropriation collective et non simple muséographie coupée du présent. La mémoire supposant la présence de l’absence reste le point de jointure essentiel entre passé et présent, de ce difficile dialogue entre le monde des morts et celui des vivants. Science du changement comme le disait Marc Bloch, l’histoire emprunte de plus en plus les chemins obscurs et complexes de la mémoire jusque dans ses modes de cristallisation extrêmes, autant idéels que matériels, afin de mieux comprendre les processus de transformation, les résurgences et ruptures instauratrices du passé. Bien loin des lectures grillagères qui ne se donnent pour ambition que de combler des cases et de leur chercher des causes, l’histoire sociale de la mémoire reste attentive à toute altération comme source de mouvement dont il faut suivre les effets. Elle a pour objet un absent qui agit, un acte qui ne peut s’attester que s’il fait l’objet de l’interrogation de son autre : ” Bien loin d’être le reliquaire ou la poubelle du passé, elle vit [la mémoire] de croire à des possibles et de les attendre, vigilante, à l’affût.”7

Les travaux se multiplient ainsi sur les zones d’ombre de l’histoire nationale. Lorsque Henry Rousso ” s’occupe ” du régime de Vichy, ce n’est pas pour répertorier ce qui s’est passé de 1940 à 1944. Son objet historique commence lorsque Vichy n’est plus un régime politique en exercice. Il s’avère comme survivance des fractures qu’il a engendrées dans la conscience nationale. C’est alors qu’il peut évoquer ” le futur du passé “.8 Sa périodisation utilise explicitement les catégories psychanalytiques, même si celles-ci sont maniées de manière purement analogique. Au travail de deuil de 1944-1954 suit le temps du refoulement, puis celui du retour du refoulé, avant que la névrose traumatique ne se transforme en phase obsessionnelle. Au trop-peu de mémoire sur cette période a soudain succédé une période de trop-plein, au point qu’Henry Rousso a éprouvé le besoin de publier en 1994 avec Eric Conan, Vichy, un passé qui ne passe pas9, qui mettait en garde contre les abus de mémoire. Au-delà de ces retours pathologiques, le contexte est propice à ce recyclage incessant du passé. Il y a d’abord la crise de futur que connaît notre société occidentale qui incite à tout recycler en objet mémoriel. Par ailleurs, le règne de l’instantané que suscitent les moyens technologiques modernes a pour effet un sentiment de perte inexorable qui est combattu par une frénésie compulsive à redonner un présent à ce qui semble lui échapper. Cette réaction, légitime dans son principe, a pourtant un effet pervers, souligné récemment par Henry Rousso : ” Cette valorisation empêche un réel apprentissage du passé, de la durée, du temps écoulé, et elle pèse sur notre capacité à envisager l’avenir.”10

La juste distance recherchée pour éviter la répétition des attitudes névrotiques est souvent difficile à trouver. Elle exige des passagers du présent que nous sommes, et en premier lieu des historiens, d’assumer et de transmettre la mémoire nationale lorsque se rompt le temps des témoins. C’est le cas pour l’histoire du génocide et pour la période vichyssoise de la France. Or, ce devoir de mémoire rappelle à l’historien sa fonction civique, celle d’une ” sentinelle en faction “11 qui ne produit pas sur les grands traumatismes collectifs du passé ” un savoir froid. Il participe à la construction puis à la transmission de la mémoire sociale “.12 L’histoire de la mémoire est un impératif et doit bénéficier de tout l’apport critique du métier d’historien si l’on veut éviter les pathologies d’une mémoire trop souvent aveugle, comme ce fût longtemps le cas à propos du régime de Vichy jusque dans les années soixante-dix. La connexion est devenue forte entre histoire et mémoire et sans ce lien l’histoire ne serait qu’exotisme, car pure extériorité, alors que Paul Ricœur rappelle à quel point le présent est affecté par le passé. A la faveur de ce rapprochement, et comme le précise bien Lucette Valensi, l’historien n’a pas de monopole : ” Les modes d’élaboration d’un grand traumatisme et les modes de transmission de la mémoire collective sont multiples. ” 13

L’équilibre est difficile à trouver entre d’une part le ressassement du même, de l’identique, qui peut représenter une fermeture à l’autre, et d’autre part l’attitude de fuite vis-à-vis du passé, du legs mémoriel transmis, à la manière de Nietzsche :

Il est possible de vivre, et même de vivre heureux, presque sans aucune mémoire, comme le montre l’animal ; mais il est absolument impossible de vivre sans oubli. Ou bien, pour m’expliquer encore plus simplement sur mon sujet : il y a un degré d’insomnie, de rumination, de sens historique, au-delà duquel l’être vivant se trouve ébranlé et finalement détruit, qu’il s’agisse d’un individu, d’un peuple ou d’une civilisation.14

Cette attitude a le mérite de rappeler le nécessaire oubli mais, poussée à l’extrême, elle peut être source de pathologies profondes de la mémoire et donc de l’identité. L’oubli peut être conçu dans une perspective constructrice, c’est ce que montre Ernest Renan dans sa communication de 1882 sur ” Qu’est-ce qu’une nation ? “, évoquant un véritable paradoxe de l’identité nationale, plébiscite de tous les jours, à l’intérieur de cette tension entre une adhésion à un patrimoine commun et un oubli des plaies et traumatismes passés : ” L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation. “15 Cet oubli nécessaire rappelle que ce n’est pas au passé de régir le présent mais au contraire à l’action présente d’user du gisement de sens de l’espace d’expérience. C’est la démonstration à laquelle s’est employé Jorge Semprun dans L’écriture ou la vie lorsqu’il raconte comment, ancien déporté ayant traversé l’indicible et la mort, il a dû choisir l’oubli temporaire pour continuer à vivre et à créer. Mais l’oubli des événements traumatiques peut aussi avoir pour effet leur retour sous la forme de spectres qui hantent le présent. La mémoire flotte alors dans une zone d’ombre, non assignée, condamnée à l’errance, et peut se manifester de manière dangereuse là où on ne l’attend pas, pouvant être à l’origine de violences apparemment incongrues.

Au-delà de la conjoncture mémorielle actuelle, symptomatique de la crise d’une des deux catégories méta-historiques, l’horizon d’attente, l’absence de projet de notre société moderne, Ricœur rappelle la fonction de l’agir, de la dette éthique de l’histoire vis-à-vis du passé. Le régime d’historicité, toujours ouvert vers le devenir, n’est certes plus la projection d’un projet pleinement pensé, fermé sur lui-même. La logique même de l’action maintient ouvert le champ des possibles. A ce titre Ricœur défend la notion d’utopie comme fonction libératrice et avec la même fermeté le devoir, la dette des générations présentes vis-à-vis du passé, source de l’éthique de responsabilité. La fonction de l’histoire reste donc vive. L’histoire n’est pas orpheline, comme on le croit, à condition de répondre aux exigences de l’agir. La fracturation des déterminismes induite par la réouverture sur les possibles non avérés du passé, sur les prévisions, expectations, désirs et craintes des hommes du passé, permet d’atténuer la fracture postulée entre une quête de la vérité qui serait l’apanage de l’historien et une quête de fidélité qui serait du ressort du mémorialiste. La construction encore à venir d’une histoire sociale de la mémoire permettrait de penser ensemble ces deux exigences :

Une mémoire soumise à l’épreuve critique de l’histoire ne peut plus viser à la fidélité sans être passée au crible de la vérité. Et une histoire, replacée par la mémoire dans le mouvement de la dialectique de la rétrospection et du projet, ne peut plus séparer la vérité de la fidélité qui s’attache en dernière analyse aux promesses non tenues du passé.16

Très préoccupé, de manière très kantienne, d’éviter la démesure et les divers modes de recouvrement qu’elle implique, Ricœur s’est depuis quatre à cinq ans attaché à réfléchir à la dialectique propre aux rapports entre histoire et mémoire, qui constitue un point sensible et parfois obsessionnel de notre fin de siècle, moment bilan des désastres d’un tragique XXe siècle. C’est cette réflexion qui le conduit à cette somme qu’il livre en septembre 2000 aux lecteurs en général et aux historiens en particulier et qui participe, comme toujours chez lui, à des préoccupations citoyennes qu’il énonce d’emblée à l’ouverture de son dernier ouvrage :

Je reste troublé par l’inquiétant spectacle que donnent le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire et d’oubli. L’idée d’une politique de la juste mémoire est à cet égard un de mes thèmes civiques avoués.17

Ricœur s’attache à bien distinguer deux ambitions de natures différentes : véritative pour l’histoire et de fidélité pour la mémoire, tout en montrant qu’une méfiance trop poussée vis-à-vis des méfaits de la mémoire conduirait à sacraliser la posture historienne et à l’inverse un recouvrement de l’histoire par la mémoire ferait l’impasse sur le niveau épistémologique indispensable de l’explication/compréhension. Que serait une vérité sans fidélité ou encore une fidélité sans vérité, se demande Ricœur qui construit en premier lieu une phénoménologie de la mémoire. L’imbrication est inévitable entre histoire et mémoire. Si la mémoire est sujette à des pathologies – des empêchements, des résistances – comme l’a montré Freud, elle est aussi la proie de manipulations, de commandements. Elle peut cependant accéder en certaines circonstances à des moments ” heureux “, ceux de la reconnaissance. C’est le cas du souvenir involontaire décrit par Proust, mais cela peut être aussi l’objectif d’une mémoire de rappel, d’un travail de mémoire qui s’apparente à ce que Freud a désigné sous le vocable de travail de deuil. Or, ce petit miracle de la reconnaissance que permet la mémoire est par contre inaccessible à l’historien qui ne peut prétendre accéder à ce ” petit bonheur ” car son mode de connaissance est toujours médié par la trace textuelle qui fait de son savoir un chantier à jamais ouvert et indéfini, sur l’absent.

Dans ce parcours qui conduit de la phénoménologie à l’ontologie, Ricœur mobilise en fait deux traditions que toute son oeuvre philosophique tente d’articuler ensemble. C’est d’ailleurs à l’aune de ce véritable remembrement que se mesure l’apport essentiel de Ricœur. Le logos grec lui offre le socle de départ pour répondre à l’énigme de la représentation du passé dans la mémoire. Platon s’est déjà posé la question du ” quoi ” du souvenir, répondant dans le Théétète par l’Eikôn (l’image-souvenir). Or, le paradoxe de l’Eikôn est cette présence à l’esprit d’une chose absente, cette présence de l’absent. A cette première approche, Aristote ajoute une autre caractéristique de la mémoire avec le fait qu’elle porte la marque du temps, ce qui définit une ligne frontière entre l’imagination, le phantasme d’un côté et la mémoire de l’autre, qui se réfère à une antériorité, à un ” ayant été “. Mais quelles sont ces traces mémorielles ? Elles sont de trois ordres selon Ricœur qui se tient, vigilant, à distance des entreprises réductionnistes comme celle de Changeux et de son Homme neuronal pour lequel la logique corticale expliquerait à elle seule tous les comportements humains. Ricœur prend soin de distinguer les traces mémorielles corticales, psychiques et matérielles. Avec cette troisième dimension de la mémoire, celle des traces matérielles, documentaires, nous sommes déjà dans le champ d’investigation de l’historien. Elles constituent donc à elles seules l’imbrication inévitable de l’histoire et de la mémoire, ce que révèle d’ailleurs l’expression de Carlo Ginzburg d’un paradigme ” indiciaire ” dont dépendrait l’histoire, opposé au paradigme ” galiléen “. Cette phénoménologie de la mémoire participe pour Ricœur à une phénoménologie plus globale de l’homme capable, du ” Je peux ” qui se décline en un ” pouvoir se souvenir “, ” un art d’oublier ” et un ” savoir pardonner “. Cette phénoménologie suit trois interrogations. En premier lieu Paul Ricœur se pose la question de savoir de quoi se souvient-on et met à l’horizon de cette capacité la possible reconnaissance qui apparaît comme un miracle de la mémoire en tant que ” mémoire heureuse ” possible, adéquation entre le souvenir et l’objet perdu, mais qui peut ouvrir sur une confusion entre le passé reconnu et le passé perçu. L’acte de reconnaître permet une appropriation de l’altérité et Ricœur d’insister sur le terme de ” l’habiter ” : ” C’est sur la surface de la terre habitable que nous nous souvenons avoir voyagé et visité des sites mémorables. “18 Ricœur se pose ensuite la question du comment sur le double registre des usages et des mésusages de la mémoire et sur ce plan le travail de mémoire est de l’ordre de l’impératif catégorique. Mais il ne doit pas se trouver encombré par ce que Pierre Nora a lui-même qualifié de ” tyrannie de la mémoire “, et Ricœur entend donc souscrire à la pratique historienne vis-à-vis de la mémoire lorsqu’il défend ” la nature véritable du rapport de l’histoire à la mémoire qui est celui d’une reprise critique, interne autant qu’externe. “19 Enfin, Ricœur pose la question du ” qui ? ” au stade où la mémoire se trouve en position de gardienne de l’ipséité et de l’altérité dans une approche graduée qui conduit de l’egologie, du soi-même, à l’autre en tant que proche, puis aux autres en général : ” En se souvenant de quelque chose, on se souvient de soi. “20 Et en même temps la mémoire est comme saisie par l’histoire, elle en est la matrice selon Ricœur et pourtant il serait illusoire de concevoir que la connaissance historique puisse se confiner dans sa dimension mémorielle. L’intervention de Ricœur dans ce domaine peut en effet être analysée comme une tentative pour articuler ces deux dimensions, étant entendu qu’elles sont à la fois différentes et que Ricœur conçoit ” la mémoire comme matrice de l’histoire. “21

Cependant, il y a bien coupure entre le niveau mémoriel et celui du discours historique et celle-ci s’effectue avec l’écriture. Ricœur reprend ici le mythe de l’invention de l’écriture comme pharmakon dans le Phèdre de Platon. Par rapport à la mémoire, l’écriture est à la fois remède, protégeant de l’oubli, et en même temps elle est poison dans la mesure où elle risque de se substituer à l’effort de mémoire. C’est au niveau de l’écriture que se situe l’histoire dans les trois phases constitutives de ce que Michel de Certeau qualifie d’opération historiographique : la mise en archives dans laquelle se joue son ambition véritative de discrimination du témoignage authentique et du faux ; au plan de l’explication/compréhension qui pose la question causale du ” pourquoi ” ; et enfin au niveau de la représentation historienne elle-même au cours de laquelle s’effectue l’acte même de l’écriture de l’histoire, qui repose une nouvelle fois la question de la vérité.

C’est la visée d’une mémoire heureuse, apaisée, dont il faut se rapprocher au prix d’un vrai travail de mémoire qui passe par une réarticulation avec la vérité. C’est même à ce niveau, celui de la requête de la véridicité, que la mémoire se spécifie comme grandeur cognitive. Ricœur distingue soigneusement là aussi les diverses formes de mémoire, de la mémoire personnelle à la mémoire collective, mobilisant aussi bien les travaux de Bergson dans le champ philosophique, d’Halbwachs en sociologie et ceux de Pierre Nora et d’Henry Rousso en histoire. Mais surtout, il ouvre la boite noire de la mémoire avec le troisième terme de son triptyque : l’oubli qui est un double défi à la visée de vérité de l’histoire et à la visée de fidélité de la mémoire. C’est là encore en distinguant que Ricœur parvient à des articulations signifiantes. Il différencie en effet ce que peut être la perte irréversible que peuvent provoquer des lésions corticales ou encore l’incendie d’une bibliothèque, et l’oubli de réserve qui au contraire préserve et se trouve donc être la condition même de la mémoire comme l’avait justement perçu Ernest Renan à propos de la nation et Kierkegaard à propos de la libération du souci.

Cet oubli de réserve, offert au rappel, est un oubli qui préserve : ” L’oubli revêt une signification positive dans la mesure où l’ayant-été prévaut sur le n’être-plus dans la signification attachée à l’idée du passé. L’ayant-été fait de l’oubli la ressource immémoriale offerte au travail du souvenir. “22 Dans la guerre des mémoires que nous traversons et au cours de laquelle une rude concurrence oppose l’histoire à la mémoire, Ricœur intervient pour dire l’indécidabilité de leurs relations : ” La compétition entre la mémoire et l’histoire, entre la fidélité de l’une et la vérité de l’autre, ne peut être tranchée au plan épistémologique. “23

Ricœur achève ce parcours par une réflexion sur le pardon difficile qui vient revisiter la mémoire, l’histoire et l’oubli comme horizon eschatologique d’une mémoire heureuse. Il insiste, et c’est essentiel pour la communauté historienne, sur le fait que le passé existe encore dans le temps ” feuilleté ” du présent. Il retrouve là Jankélévitch qu’il cite en exergue de son ouvrage : ” Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir été est son viatique pour l’éternité “. C’est à partir de cette insistance que mémoire et histoire peuvent être confrontées comme deux pratiques, deux rapports au passé de l’être historique dans une dialectique du liement et du déliement. Dans la mesure où l’histoire est plus distante, plus objectivante, plus impersonnelle dans son rapport au passé, elle peut jouer un rôle d’équité afin de tempérer l’exclusivité des mémoires particulières. Elle peut ainsi contribuer, selon Ricœur, à transformer la mémoire malheureuse en mémoire heureuse, pacifiée, en juste mémoire. C’est donc une nouvelle leçon d’espérance que nous prodigue Ricœur : une remise en route du rapport entre passé, présent et devenir constitutif de la discipline historique de la part d’un philosophe qui rappelle les impératifs de l’agir à des historiens qui ont tendance à se complaire dans le ressassement et les commémorations. Il signifie de nouveau aux historiens que leur travail vise à ” rendre nos attentes plus déterminées et notre expérience plus indéterminée. “24 C’est à ce travail qu’il convie les historiens et c’est en ce sens qu’il faut comprendre sa notion de travail de mémoire, en référence à Freud et à sa notion de travail de deuil. Ricœur invoque l’usage du travail de la mémoire à partir de ce que Freud a appelé le travail du deuil : ” Le trop de mémoire rappelle particulièrement la compulsion de répétition, dont Freud nous dit qu’elle conduit à substituer le passage à l’acte au souvenir véritable par lequel le présent serait réconcilié avec le passé. “25

Les pathologies collectives de la mémoire peuvent tout aussi bien se manifester par des situations de trop-plein de mémoire, de ressassement, dont la ” commémorite ” et la tendance à patrimonialisation du passé national en France donnent un bel exemple, que par des situations contraires de pas-assez de mémoire, comme c’est le cas dans tous les pays totalitaires où domine une mémoire manipulée : ” Le travail de l’histoire se comprend comme une projection, du plan de l’économie des pulsions au plan du labeur intellectuel, de ce double travail de souvenir et de deuil. “26 C’est ainsi que la mémoire est inséparable du travail d’oubli. La mémoire est donc, à l’égal de l’histoire, un mode de sélection dans le passé, une construction intellectuelle et non un flux extérieur à la pensée. Quant à la dette qui guide ” le devoir de mémoire ” : elle est à la croisée de la triade passé-présent-futur : ” Ce choc en retour de la visée du futur sur celle du passé est la contrepartie du mouvement inverse d’emprise de la représentation du passé sur celle du futur. “27 Loin d’être un simple fardeau à porter par les sociétés du présent, la dette peut devenir gisement de sens à condition de ré-ouvrir la pluralité des mémoires du passé et d’explorer l’énorme ressource des possibles non avérés. Ce travail ne peut se réaliser sans dialectisation de la mémoire et de l’histoire, en distinguant sous le registre de l’histoire-critique la mémoire pathologique qui agit comme compulsion de répétition et la mémoire vive dans une perspective reconstructive :

C’est en délivrant, par le moyen de l’histoire, les promesses non tenues, voire empêchées et refoulées par le cours ultérieur de l’histoire, qu’un peuple, une nation, une entité culturelle, peuvent accéder à une conception ouverte et vivante de leurs traditions.28

La rumeur a couru un moment que Ricœur aurait abandonné le ” devoir de mémoire “, relayée par le philosophe Rochlitz qui l’accuse même de partir en croisade : ” Ce même souci d’apaisement [qui] semble expliquer la pénible et absurde croisade de Paul Ricœur contre le Œprétendu devoir de mémoire'”.29 Si Ricœur s’en prend en effet à ce qui peut être parfois un trop de mémoire, il prend soin de souligner immédiatement qu’il peut être question aussi d’un trop d’oubli, ce qui est le plus souvent oublié par les commentateurs. Derrière cette rumeur s’exprime une inquiétude à propos de la singularité de la Shoah. Mais les thèses de Ricœur ne vont pas du tout dans le sens d’une banalisation de ce moment traumatique. Simplement, toute la pensée de Ricœur est une pensée du détour nécessaire et si le devoir de mémoire reste bien un horizon, celui de rendre justice aux victimes, il rappelle le détour nécessaire par le travail, par le niveau nécessaire d’une épistémologie de l’histoire. Donc, avant d’avoir un devoir de mémoire, l’historien est confronté au travail de mémoire, à la manière d’un travail de deuil incontournable. Le ” Souviens toi ” s’en trouve donc enrichi par ce travail de mémoire. Par ailleurs, en affirmant le caractère d’identité narrative négative à la Shoah, il en restitue la singularité et sa valeur universalisante. Il différencie la singularité morale de la Shoah comme mémoire sans contre-mémoire, ce qui en fait son malheur, incomparable à d’autres traumatismes. Par contre, il affirme, après bien d’autres comme Hannah Arendt, la comparabilité de cette période comme moment historique par rapport à d’autres régimes totalitaires. Au plan épistémologique, il apporte un appui majeur aux historiens de métier dans leur confrontation avec les thèses négationnistes par son insistance sur la question de la preuve, sur l’opération historiographique comme relevant d’une épistémologie poppérienne de la réfutabilité : ” Les termes vrai/faux peuvent être pris légitimement à ce niveau au sens poppérien du réfutable et du vérifiable. Il est vrai ou il est faux que des chambres à gaz ont été utilisées à Auschwitz pour tuer tant de Juifs, de Polonais, de Tziganes. La réfutation du négationnisme se joue à ce niveau. “30 La critique selon laquelle Ricœur abandonnerait le devoir de mémoire n’est donc en aucune manière fondée, d’autant qu’il a toujours été un philosophe de la dette, dont il rappelle l’impératif dans son dernier ouvrage : ” Le devoir de mémoire est le devoir de rendre justice, par le souvenir, à un autre que soi. “31 Son objectif est en fait de penser ensemble, comme toute son œuvre de philosophe y invite, le logos grec, soit la visée véritative de la philosophie, avec la tradition judéo-chrétienne qui est un versant de fidélité, du ” Souviens-toi ” de la mémoire, afin de dessiner les voies d’une sagesse pratique.

Entre sa dissolution et son exaltation, l’événement, selon Ricœur, subit une métamorphose qui tient à sa reprise herméneutique. Réconciliant l’approche continuiste et discontinuiste, Ricœur propose de distinguer trois niveaux d’approche de l’événement :
” 1. Evénement infra-significatif ; 2. Ordre et règne du sens, à la limite non-événementiel ;
3. Emergence d’événements supra-significatifs, sursignifiants. “32 Le premier emploi correspond simplement au descriptif de “ce qui arrive” et évoque la surprise, le nouveau rapport à l’institué. Il correspond d’ailleurs aux orientations de l’école méthodique de Langlois et Seignobos, celui de l’établissement critique des sources. En second lieu, l’événement est pris à l’intérieur de schèmes explicatifs qui le mettent en corrélation avec des régularités, des lois. Ce second moment tend à subsumer la singularité de l’événement sous le registre de la loi dont il relève, au point d’être aux limites de la négation de l’événement. On peut y reconnaître l’orientation de l’école des Annales. A ce second stade de l’analyse, doit succéder un troisième moment, interprétatif, de reprise de l’événement comme émergence, mais cette fois sursignifiée. L’événement est alors partie intégrante d’une construction narrative constitutive d’identité fondatrice (la prise de la Bastille) ou négative (Auschwitz). L’événement qui est de retour n’est donc pas le même que celui qui a été réduit par le sens explicatif, ni celui infra-signifié qui était extérieur au discours. Il engendre lui-même le sens.

Ce déplacement de l’événementialité vers sa trace et ses héritiers a suscité un véritable retour de la discipline historique sur elle-même, à l’intérieur de ce que l’on pourrait qualifier de cercle herméneutique ou de tournant historiographique. Ce nouveau moment invite à suivre les métamorphoses du sens dans les mutations et glissements successifs de l’écriture historienne entre l’événement lui-même et la position présente. L’historien s’interroge alors sur les diverses modalités de la fabrication et de la perception de l’événement à partir de sa trame textuelle. Ce mouvement de re-visitation du passé par l’écriture historienne accompagne l’exhumation de la mémoire nationale et conforte encore le moment mémoriel actuel. Par le renouveau historiographique et mémoriel les historiens assument le travail de deuil d’un passé en soi et apportent leur contribution à l’effort réflexif et interprétatif actuel dans les sciences humaines. Cette inflexion récente rejoint cette déprise/reprise de toute la tradition historique entreprise par Pierre Nora dans Les lieux de mémoire et ouvre la voie à une tout autre histoire, enrichie de la réflexivité nécessaire sur les traces du passé dans le présent.

En proie à la mondialisation des informations, à l’accélération de leur rythme, le monde contemporain connaît une ” extraordinaire dilatation de l’histoire, une poussée d’un sentiment historique de fond “.33 Cette présentification a eu pour effet une expérimentation moderne de l’historicité. Elle impliquait une redéfinition de l’évènementialité comme approche d’une multiplicité de possibles, de situations virtuelles, potentielles, et non plus comme l’accompli dans sa fixité. Le mouvement s’est emparé du temps présent jusqu’à modifier le rapport moderne au passé. La lecture historique de l’événement n’est plus réductible à l’événement étudié, mais envisagée dans sa trace, située dans une chaîne événementielle. Tout discours sur un événement véhicule, connote une série d’événements antérieurs, ce qui donne toute son importance à la trame discursive qui les relie dans une mise en intrigue. Comme on peut le mesurer, l’histoire du temps présent n’engage pas seulement l’ouverture d’une période nouvelle, le très proche s’ouvrant au regard de l’historien. Elle est aussi une histoire différente, participant aux orientations nouvelles d’un paradigme qui se cherche dans la rupture avec le temps unique et linéaire, et pluralisant les modes de rationalité.

Au-delà de la conjoncture mémorielle actuelle, symptomatique de la crise d’une des deux catégories méta-historiques, l’horizon d’attente, l’absence de projet de notre société moderne, Ricœur rappelle la fonction de la dette éthique de l’histoire vis-à-vis du passé. Le régime d’historicité, toujours ouvert vers le devenir, n’est certes plus la projection d’un projet pleinement pensé, fermé sur lui-même. La logique même de l’action maintient ouvert le champ des possibles. A ce titre Ricœur défend la notion d’horizon dans son épilogue sur le pardon qui, à la manière d’une utopie, porte une fonction libératrice en empêchant ” l’horizon d’attente de fusionner avec le champ d’expérience. C’est ce qui maintient l’écart entre l’espérance et la tradition “.34 Il défend avec la même fermeté le devoir, la dette des générations présentes vis-à-vis du passé, source de l’éthique de responsabilité. La fonction de l’histoire reste donc vive. L’histoire n’est pas orpheline, comme on le croit, à condition de répondre aux exigences de l’agir. Ainsi le deuil des vision téléologiques peut devenir une chance pour revisiter à partir du passé les multiples possibles du présent afin de penser le monde de demain.

Georges Duby, Le Dimanche de Bouvines, Paris, Gallimard, 1973.

Ibid., p. 8.

Ibid., p. 14.

Ibid., p. 161.

Pierre Nora, " Comment on écrit l¹histoire de France ? ", Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1993, t. III, vol. 1, p. 24.

Sigmund Freud, Trauer und Melancholie, " Deuil et Mélancolie ", (1917), dans Métapsychologie, Gallimard, Paris, 1952, p. 189-222.

Michel de Certeau, L'invention du quotidien, 1- Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990, p. 131.

Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, Paris, Seuil, 1987; rééd. coll. " Points-Seuil ", 1990.

Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994, rééd. coll. " Folio-Histoire ", Gallimard, 1996.

Henry Rousso, La hantise du passé, Paris, Textuel, 1998, p. 36.

Lucette Valensi, " Présence du passé, lenteur de l'histoire ", Annales E.S.C., mai-juin 1993, no. 3, p. 498.

Ibid., p. 498.

Ibid., p. 499.

Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles, II, (1874), Paris, Gallimard, coll. " Folio-essais ", p. 97.

Ernest Renan, " Qu'est-ce qu'une nation ? ", Conférence faite en Sorbonne le 11 mars 1882, Paris, Presses-Pocket, Agora, 1992, p. 41.

Paul Ricœur, " La marque du passé ", Revue de métaphysique et de morale, no. 1, 1998, p. 31.

Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Seuil, 2000, p. I.

Ibid., p. 49.

Ibid., p. 337.

Ibid., p. 115.

Ibid., p. 106.

Ibid., p. 574.

Ibid., p. 648.

Paul Ricœur, Temps et Récit, Paris, coll. " Points-Seuil ", t. 3, op. cit., p. 390.

Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, op. cit., p. 96.

Paul Ricœur, " Entre mémoire et histoire ", Projet, no. 248, 1996, p. 11.

Paul Ricœur, " La marque du passé ", Revue de métaphysique et de morale, no. 1, mars 1998, p. 25.

Ibid., p. 30-31.

Rainer Rochlitz, " Mémoire et pardon ", Critique, no. 646, mars 2001, p. 175.

Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, op. cit., p. 227.

Ibid., p. 108.

Paul Ricœur, " Evénement et sens ", Raisons Pratiques, " L'événement en perspective ", no. 2, 1991, p. 51-52.

Pierre Nora, " De l'histoire contemporaine au présent historique ", Ecrire l'histoire du temps présent, IHTP, 1993, p. 45.

Paul Ricœur, Du texte à l'action, Paris, Seuil, 1986, p. 391.

Published 3 July 2006
Original in French
First published by Vikerkaar 4-5/2006

Contributed by Vikerkaar © François Dosse/Vikerkaar Eurozine

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